La phase semi-empirique
La phase semi-empirique pp. 583-85, La mesure du temps et de l'espace au XVIIe siècle , Dix-septième siècle, 2001/4 n° 213, p. 579-611.
Les expériences de Mersenne consistent d’abord à construire un pendule qui bat la seconde, dont il détermine la longueur au moyen d’une horloge mécanique. Puis il étudie la chute libre en mesurant la hauteur dont tombe une balle pendant le temps que met le pendule, lâché de son élongation maximale en même temps que la balle, à atteindre la verticale (c’est-à-dire un mur ; le bruit du choc contre le mur est comparé au bruit du choc de la balle sur une table placée à une hauteur que l’on détermine pour que les deux sons coïncident à l’oreille). …
Après de nombreuses mesures, où il ne retrouva aucun résultat de Galilée, y compris l’isochronisme du pendule, Mersenne préféra conclure que la précision ne pouvait être obtenue dans la science.
À partir de 1640, au moment où Mersenne réalisait ses expériences, une autre recherche expérimentale des lois de la chute était conduite en Italie par une équipe de jésuites dirigée par le célèbre auteur de l’Almagestum Novum (1651), le R.P. Giambattista Riccioli (1598-1675), qui ignorait tout de l’œuvre de Mersenne. Leur but était de vérifier si la thèse de l’isochronisme des oscillations pendulaires était exacte, puis si la relation établie par Galilée entre la longueur du pendule et sa période (période proportionnelle à la racine carrée de la longueur) était confirmée par l’expérience ; et enfin de déterminer aussi précisément que possible la période d’un pendule.
Au cours d’une première série d’expériences, les expérimentateurs jésuites tentent de vérifier ce qu’affirme Galilée concernant la constance de la période du pendule, en comptant le nombre des oscillations pendant un temps donné. Le temps est mesuré au moyen d’une clepsydre, et Riccioli, révélant une compréhension pro- fonde des conditions de la mesure, explique que c’est le double processus, consistant à vider et à remplir de nouveau la clepsydre, qui doit être pris comme unité de temps.
Une seconde série d’expériences confirme la relation en racine carrée de la période du pendule. Riccioli se rend très bien compte de l’importance capitale de la découverte galiléenne : l’isochronisme du pendule nous permet de réaliser un chronomètre précis. En effet, le fait que les oscillations grandes et petites soient accomplies dans le même temps entraîne la possibilité de maintenir son mouvement aussi longtemps que nous le voulons, par exemple en lui donnant une nouvelle impulsion après un certain nombre de battements. Il est cependant clair que, pour pou- voir utiliser le pendule comme instrument précis pour mesurer le temps, nous devons déterminer exactement la valeur de sa période. C’est la tâche à laquelle, avec une patience inlassable, se consacrera Riccioli. Son but est de construire un pendule dont la période serait exactement d’une seconde. Il ne sera jamais capable de l’atteindre.
Construisant plusieurs pendules successifs, il compte les oscillations. Par exemple le 2 avril 1642 avec l’aide de neuf pères jésuites il compte pendant vingt- quatre heures 87 998 oscillations ! (au lieu de 86 400). Il en construira quatre en tout pour étudier la chute libre à partir de la Torre degli Asinelli à Bologne (le der- nier a pour période 59,63 soixantièmes de seconde les autres sont plus courts, de période respectivement 10 soixantièmes de seconde et 30 soixantièmes de seconde).
En fait, il est impossible d’utiliser un pendule aussi rapide en ne faisant que compter ses oscillations ; on doit trouver quelque moyen de les totaliser. En d’autres termes, on doit construire une horloge. C’est effectivement une horloge, la première horloge à pendule, que Riccioli a construite pour ses expériences. Il serait pourtant difficile de le considérer comme un grand horloger, comme un prédécesseur de Huygens. Son horloge n’avait ni ressort, ni aiguille, ni cadran : ce n’était pas une horloge mécanique, mais une horloge humaine : pour pouvoir totaliser les battements de son pendule, Riccioli avait imaginé un moyen simple et élégant. Il entraîna deux de ses collaborateurs et amis,
"doués non seulement pour la physique, mais aussi pour la musique, à compter un, de, tre... (dans le dialecte bolonais, où ces mots sont plus courts qu’en italien), d’une manière parfaitement régulière et uniforme comme doivent le faire ceux qui dirigent l’exécution de pièces musicales, de telle manière que la prononciation de chaque chiffre corresponde à une oscillation du pendule."
C’est avec cette « horloge » qu’il réalisa ses observations et ses expériences. Le pre- mier problème qu’il attaqua fut la comparaison de la vitesse de chute des corps légers et lourds, et il montra que les corps lourds tombent plus vite. Le second fut la mesure de l’accélération pendant la chute libre et il démontra (avec Grimaldi) la vérité des lois cinématiques de Galilée.
Bien qu’en possession des lois mathématiques exactes de la cinématique, l’impossibilité de mesurer avec précision le paramètre fondamental de la dynamique, c’est-à-dire le temps, a empêché les physiciens de progresser : ce n’est pas un hasard si le principe de la dynamique a été découvert par Newton seulement vers 1685, après les travaux de Huygens et de Richer.
La vérification des résultats de Galilée par des expériences faites de Père Marin Mersenne, des Jésuites et de R.P. Giambattista Riccioli.